Intervention au conseil municipal du 20 décembre 2018
Lors du dernier conseil municipal, vous avez souhaité communiquer sur l’installation de 21 caméras de vidéosurveillance sur l’espace public sévrien.
Cette communication sans débat possible a choqué plusieurs conseillers municipaux. Au nom des élus d’opposition, je vous avais demandé l’inscription d’une délibération à l’ordre du jour de notre conseil. Vous m’aviez répondu, monsieur le Maire, que la ville n’avait pas à délibérer sur cette question pourtant très importante (je vous renvoie à la page 17 du compte-rendu du conseil du 18 octobre que nous venons d’adopter).
Preuve que nous avions juridiquement raison, vous nous proposez une délibération ce soir qui confirme que votre pouvoir en matière de police n’est pas un pouvoir illimité, mais qu’il concerne l’ensemble de cette assemblée et donc aussi votre opposition.
Dans cette opposition siègent deux élu-es écologistes et je remercie le rédacteur de votre tribune de décembre dans le Sévrien qui a affirmé qu’« on peut être pour la protection de l’environnement et, en même temps, vouloir contribuer au plein succès des enquêtes judiciaires sur notre territoire ». J’aurais pour ma part évité l’emploi jupitérien du « en même temps », surtout en ces temps troublés où le Président de la République ne semble pas être un modèle pour la majorité de nos concitoyens.
Oui, cher-es collègues, on peut être écologistes, se soucier du dérèglement climatique et de la justice sociale et de la sécurité des habitants de notre ville. Le sujet de la tranquillité publique n’est pas l’apanage d’une tendance politique précise, mais là où vous pensez que des caméras vont magiquement régler des problèmes de délinquance, nous pensons que ce dispositif est inutilement coûteux, dangereux pour les libertés publiques et surtout inefficace.
Dispositif couteux : le marché lancé par GPSO prévoit des dépenses entre 2 et 5 millions d’euros uniquement pour l’installation des caméras. Ce budget est très important et vous avez omis de le rendre public. Nulle trace non plus dans vos documents du coût supporté par le budget de la ville puisque GPSO ne le prendra pas à sa charge. Nous ne sommes pas non plus informés du coût de maintenance du dispositif qui pèsera sur notre budget de fonctionnement.
Dispositif inutilement couteux et inefficace : de nombreuses études ont été menées par des instituts très sérieux (CNRS, IAU, universités). Elles ont toutes démontré l’immense gouffre entre les sommes investies et les résultats obtenus. La chambre régionale des Comptes pointait il y a quelques années que le million d’euros dépensé à Boulogne pour installer et maintenir 6 cameras n’avait servi à rien puisque le matériel était pratiquement toujours en panne et qu’en 3 ans il n’y avait eu que 9 réquisitions judiciaires. Et l’histoire ne dit pas combien de ces réquisitions ont abouti à la résolution d’une affaire.
Si votre intention est d’aider à identifier les personnes qui ont commis des actes de délinquance : il est établi que les dispositifs de vidéosurveillance aident à résoudre entre 1 à 3% des infractions commises sur la voie publique.
Si votre intention est de diminuer le nombre d’actes délictueux à Sèvres : là encore c’est raté parce que la délinquance s’adapte très bien et se déplace en dehors des zones filmées. C’est à nouveau prouvé par les études.
Si votre intention est de dire à nos concitoyens : n’ayez crainte, rien ne vous arrivera puisque l’espace public est filmé, vous leur mentez. La ville la plus équipée en caméras de surveillance est Nice. Le dispositif n’a pas empêché l’acte terroriste sur la promenade des Anglais.
Dispositif dangereux pour les libertés publiques : vous nous affirmez aujourd’hui que les images ne seront utilisées qu’en cas de réquisition judiciaire. Qui sera habilité à les visionner puisqu’elles seront stockées dans un local communal. Qui vérifiera que les caméras tournent bien ? Qui pourra s’assurer que personne d’autre qu’un officier de police judiciaire, qu’un magistrat, dûment assermentés, n’a accès aux images ?
L’affaire Benalla nous a appris que les vidéos pouvaient se balader en toute illégalité, que les images n’étaient pas détruites au bout d’un mois, mais conservées bien au-delà, sans aucun contrôle citoyen.
Je terminerai par un autre aspect de votre proposition. Celui de la discrimination et de la stigmatisation.
J’espère mes chers collègues que vous avez pris connaissance de la liste des lieux d’implantation des caméras : le collège, le quartier Danton et les abords du lycée sont particulièrement concernés. Ces lieux sont-ils les lieux de rencontre privilégiés des délinquants ? Si oui, pourquoi n’agit-on pas en amont, pourquoi n’investissons-nous pas dans des moyens humains pour prévenir la délinquance ? Pourquoi surveiller la jeunesse et le quartier HLM ?
Mes questions, monsieur le Maire :
- Quel est le coût exact de ces 21 cameras ? En investissement et en fonctionnement annuel.
- Qui aura précisément accès aux images ?
- Qui vérifiera que les cameras ne filment pas des lieux privés ?
- Où seront stockées les images et quels moyens seront mis en œuvre pour éviter toute fuite ?
- Qui contrôlera le fonctionnement du dispositif ?
- A quel moment rendrez-vous compte à ce conseil et à la population de l’efficacité de la vidéosurveillance ? Du nombre de réquisitions judiciaires, de son impact sur les chiffres de la délinquance, du nombre de cas résolus ?
Enfin, il est à remarquer que si le niveau de délinquance était si inquiétant à Sèvres, le Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance – qui s’est réuni une seule fois depuis 2014 – devrait être mobilisé. Ce n’est absolument pas le cas.
Votes concernant la délibération autorisant l’installation des caméras : majorité et 1 PS pour, une abstention PS, 2 votes contre des élu-es EELV.
Réponse du maire : On est déjà filmé partout… »le sujet c’est d’aider la justice de notre pays » (3 fois au moins)…On aimerait retrouver les auteurs des délits. Nous respecterons le droit, vous n’avez pas de leçons à me donner en la matière etc.
Le maire ne répond pas à notre demande sur les coûts de cette installation, alors qu’il est responsable de ce dossier à GPSO.
16 a videosurveillance : les lieux d’implantation des caméras