Intervention de Catherine Candelier, conseil municipal du 18 octobre 2018
Monsieur le maire, chers collègues,
Lors de notre conseil de juin dernier, j’avais souhaité évoquer la question de votre projet de cession de la gare du Pont de Sèvres. Le débat avait été intense, mais à mon grand regret, et au grand regret de beaucoup de Sévriennes et Sévriens vous n’aviez pas renoncé à la vente, ni accepté un débat public contradictoire sur le sujet.
Vous m’aviez mise au défit de convaincre nos collègues de la majorité du fait que cette cession est une mauvaise idée. Nous y sommes, monsieur le maire et chers collègues !
La gare du Pont de Sèvres a été ouverte le 1er mai 1889, à l’occasion de l’Exposition universelle, comme gare de la ligne dite des Moulineaux qui reliait Puteaux à Issy Plaine. Cette gare et l’Ile Monsieur attenante ont été un point stratégique pour l’activité des usines Renault puisqu’elles comptaient en 1973 de onze à douze trains de marchandises par jour et voyaient encore à cette date passer environ 75.000 tonnes de marchandises.
La gare est un élément extrêmement important dans le patrimoine, c’est un marqueur de l’identité de notre territoire, un marqueur de notre entrée de ville. Peu de communes ont cette chance de bénéficier d’un bâtiment datant de la fin du 19ème siècle. Et celles qui ont cette chance ont choisi de leur conserver une maîtrise et un destin publics, c’est par exemple le cas de notre voisine Meudon qui a confié la gestion de sa gare à une société d’économie mixte. Je pourrai multiplier à l’envi les exemples de réalisations de collectivités territoriales qui fonctionnent.
Le 28 juin 2007, le point numéro 17 du conseil municipal donnait autorisation au maire de Sèvres d’acquérir la gare à Réseau Ferré de France. Sans vouloir préempter la pensée de François Kosciusko-Morizet, je crois ne pas me tromper en disant que lorsqu’en 2007 il a souhaité que la commune acquière la gare, c’était pour lui conserver une maîtrise publique. Cette décision a été votée à l’unanimité du conseil de l’époque, sans aucun débat tant il était évident que cette acquisition avait un sens.
Vous-même, Monsieur le maire, étiez à l’époque adjoint en charge de la culture, vous avez approuvé cette acquisition, vous avez même fait mener une étude pour réhabiliter le lieu et l’ouvrir plus largement au public. Étude jamais rendue publique, jamais communiquée aux membres du conseil !
Vous me direz que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, mais on peut aussi estimer à l’inverse que se départir d’un tel patrimoine, c’est imbécile.
Quelle est la marque de l’intérêt général dans cette vente ? Nous sommes toutes et tous dans cette salle élu-es pour défendre l’intérêt général avant les intérêts particuliers, y compris et surtout ceux de nos connaissances, de nos relations amicales ou professionnelles. Personnellement, je n’ai pas d’ami restaurateur dans les Hauts-de-Seine.
Le budget de notre commune a-t-il un besoin urgent d’être renfloué de 650.000 euros ? Nous venons de vendre nos parts de la SEMI Sèvres pour 35 millions d’euros. Nous sommes dans une situation financière que nous n’avons jamais connue.
Que nous coûte aujourd’hui la gare du Pont de Sèvres ? A part sans doute les abonnements aux fluides (eau, électricité), RIEN !
Que nous coûterait la remise en état du bâtiment, sa transformation pour accueillir du public ? 1,5 millions ? La ville ne serait pas en capacité de financer seule malgré les 35 millions de la SEMI ? Mais pourquoi n’êtes vous pas allé chercher des partenariats auprès d’autres collectivités territoriales : GPSO, le département, la Région et même l’Etat ? Ou allez vous reloger les associations qui utilisent la gare ?
J’avoue ne pas comprendre l’estimation à 300.000 euros des domaines. Elle aurait dû tenir compte du projet à venir et pas uniquement de l’état du bâtiment. Elle ne nous parait aucunement sincère.
Chers collègues, en approuvant la vente de la gare, vous ferez un formidable cadeau à une entreprise privée. 650.000 euros pour cet entrepreneur, ce n’est rien du tout. Ce n’est rien en comparaison du chiffre d’affaires actuel du groupe (13 millions) et ce n’est rien vis-à-vis du chiffre d’affaires que cet achat va générer. Sommes-nous là pour cela ? Sommes nous élus pour privatiser des lieux exceptionnels ?
Ce futur restaurant sera-t-il accessible à l’ensemble des foyers sévriens, j’en doute avec un affichage de prix entre 30 et 50 euros par personne, sans les boissons et sans le café. Sommes nous élus pour faire en sorte que seuls les plus fortunés bénéficient d’une offre ou au contraire sommes-nous ici pour permettre un accès le plus large possible au patrimoine et à la culture ?
Chers collègues, nous avons l’opportunité ce soir de décider collectivement que la gare du pont de Sèvres reste un lieu ouvert à l’ensemble de nos concitoyens, qu’elle devienne un lieu associatif et culturel accueillant, qu’elle reste dans le patrimoine de la ville pour les générations actuelles et futures.
Toutes les clauses du contrat de vente visant à s’assurer de la pérennité du bâtiment et de sa destination ne valent rien. Elles seront balayées par le tribunal en cas de recours du propriétaire s’il souhaite revendre la gare au bout de quelques temps. Rien n’empêchera que demain, une chaîne de restauration rapide investisse le bâtiment, pose son enseigne jaune sur le toit. Nous, nous pouvons l’empêcher.
Et même, nous devons empêcher cette vente.
Vote : 6 contre, 1 abstention, le reste pour
Réponse de l’éminence : l’opposition est populiste, vendre la gare c’est lui redonner du sens (le sens des affaires ?). Le futur propriétaire est un audacieux…..
